Chères Amies, Chers Amis,
Pour Dali, l’horloge de la gare de Perpignan était le centre du monde. Nous en avons tous un, petite pièce d’un large puzzle géopolitique dans lequel nous ressentons les turbulences et les crises qui agitent notre planète. La réaction naturelle est de s’y accrocher et de penser que cet enracinement est une protection contre le déluge d’informations anxiogènes qui s’abat chaque jour sur nous, un élément d’équilibre dont la permanence suppose de l’entêtement. Il est en effet difficile de ne pas être au courant des drames qui se jouent partout. Dans le même temps, il est de plus en plus nécessaire de faire le tri entre l’écume des choses et celles, plus importantes, qui annoncent les Révolutions futures, qu’elles soient politiques, culturelles, humaines ou physiques. Cette lettre en fait partie. Je la conçois comme une sorte de « tamis » qui me permet de passer au crible de mes convictions l’actualité parlementaire et politique française, en lien direct avec ma fonction.
Alors que l’Assemblée nationale célèbre ce mois-ci la mémoire de Clemenceau, « un Tigre au Palais Bourbon » et qu’est annoncé le retour pour janvier 2019 de la réforme constitutionnelle, je désire revenir en quelques mots sur le rôle du parlementaire.
Celui-ci est multiple. D’abord, nous faisons la loi en apportant aux textes présentés par le gouvernement les améliorations que nous considérons utiles sur la base de notre expérience de terrain. Car c’est bien au contact de la réalité vécue par nos concitoyens que nous pouvons mettre en place les règles qui nous engagent toutes et tous. C’est l’enjeux de mes nombreux déplacements, de mes échanges avec nos conseillers consulaires, avec les diplomates de nos postes, avec vous, dans chacun de vos pays. Nous pouvons également présenter des propositions de loi pour répondre à des questions précises telles la réforme de la Caisse des Français de l’étranger ou les funérailles républicaines que je porterai en décembre prochain. Nous contrôlons ensuite l’action du gouvernement par nos questions orales, écrites et d’actualité et par des commissions d’enquête (l’affaire « Benalla »). Nous avons aussi la possibilité de mener des missions d’informations et de rédiger de nombreux rapports, afin de creuser certains sujets et faire des propositions au gouvernement. C’était l’objet de mon rapport au Premier Ministre sur le retour en France. L’organisation et la participation à des conférences nous permet de partager nos analyses et nos réflexions. Nous participons activement à la diplomatie parlementaire par le biais des groupes d’amitié et nombreuses rencontres bilatérales à Paris ou à l’étranger. Nous analysons enfin l’actualité politique et intervenons pour défendre ce à quoi nous croyons fermement. Bref, pour reprendre le mot du président de l’Assemblée nationale, inaugurant l’exposition précitée : »Nous apportons par notre action individuelle une pierre à l’édification de la cathédrale de la République ».
Notre Constitution, qui a 60 ans, a été révisée 24 fois, notamment pour renforcer l’État de droit et le rôle du parlement. L’équilibre et la séparation des pouvoirs est sur ce point, indispensable et le bicamérisme un atout pour assurer une stabilité politique dont l’actualité nous oblige à constater qu’elle peut être mise à mal jusque dans les pays voisins. La proximité avec les élus locaux et nos concitoyens est une nécessité à l’heure de la mondialisation. Alors profitons de cet anniversaire pour revenir aux fondamentaux et œuvrer au renforcement de la confiance de nos concitoyens dans la République. Dénonçant le programme du Général Boulanger qui affirmait que « la politique de parti a fait son temps. Il faut un régime nouveau et le parlementarisme doit disparaitre de la république nouvelle », Clemenceau répondit : »Gloire au pays où l’on parle et honte au pays on l’on se tait. Si c’est le régime de discussion que l’on flétrit sous le nom de parlementarisme, c’est en fin de compte sur le régime représentatif et la République elle-même que l’on porte la main ». Il n’y a pas de doute. Clemenceau demeure plus que jamais d’actualité.
Bien à vous,
Hélène Conway-Mouret |