Texte de la question (juillet 2014) : Mme Hélène Conway-Mouret attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’importance de la prévention des mutilations sexuelles féminines dans le cadre scolaire. Cent quarante millions de femmes dans le monde ont subi une mutilation sexuelle. L’OMS évalue à trois millions, chaque année, le nombre de jeunes filles susceptibles de subir une excision ou une mutilation. Selon l’UNICEF, trente millions de femmes seraient susceptibles d’en subir dans les trente prochaines années.
Dans les années 1990, les personnels de l’éducation nationale ont été sensibilisés à la question du risque d’excision, alors pratiquée pendant les vacances, à l’étranger. Les signalements réalisés par les instituteurs et les médecins scolaires ont été efficaces. Dans le même temps, une modification de la loi a permis de poursuivre les parents faisant pratiquer une excision hors du territoire français. Cette mobilisation générale a fait reculer les mutilations survenant à l’âge de l’école primaire.
Au cours des années 2000, il a été observé que des jeunes filles étaient déscolarisées à la fin du CM2 pour être renvoyées dans leur pays d’origine où elles sont excisées et parfois aussi mariées de force.
Ainsi, elle lui demande si des signalements sont automatiquement effectués lorsque des petites filles ayant effectué leurs classes de maternelle en France ne sont pas inscrites à l’école primaire l’année suivante et, de la même manière, lorsque des jeunes filles ayant effectué leur CM2 en France ne sont pas inscrites au collège l’année qui suit. Elle lui demande également quelles sont les mesures de prévention qu’il envisage de mettre en œuvre dans les écoles, collèges et lycées. Enfin, elle lui demande quelles suites il entend donner à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme qui recommande l’intégration systématique d’un module sur les mutilations sexuelles féminines dans les programmes de formation des professionnels de l’éducation nationale.
Réponse de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Texte de la réponse : La politique de prévention sur les pratiques de mutilations sexuelles menées par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche se conduit à différents niveaux : dans le cadre d’une démarche globale d’éducation à la sexualité, dans celui de la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons et enfin dans le cadre de la protection de l’enfance en danger.
Pour chacun de ces domaines, la mise en œuvre des actions s’appuie sur un corpus de textes législatifs et réglementaires. L’éducation à la sexualité est inscrite à l’article L. 312-16 du code de l’éducation et intégrée dans le décret du 11 juillet 2006 relatif au socle commun de connaissances et de compétences. Sa mise en œuvre s’appuie sur la formation des personnels et sur la diffusion de documents d’accompagnement, élaborés par la direction générale de l’enseignement scolaire. Ainsi, un guide d’intervention en éducation à la sexualité, destiné aux équipes éducatives des collèges et des lycées, diffusé en août 2008, propose parmi les fiches d’activités présentées, le module « Loi et sexualité » permettant d’aborder la prévention des situations liées aux pratiques des mutilations sexuelles féminines et de travailler avec les élèves sur l’égalité des sexes, le rôle protecteur des lois et la liberté de choix que cette protection apporte.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, signée le 7 février 2013, prévoit notamment « d’assurer une information de la communauté éducative et des élèves […] sur les violences sexuelles et sexistes, y compris sur les violences spécifiques subies par les filles issues de l’immigration, telles que les mariages forcés et les mutilations sexuelles ». Cette information s’appuie sur un guide ressources à destination des professionnels, intitulé « Comportements sexistes et violences sexuelles : prévenir, repérer et agir », guide mis à jour et diffusé à partir du 25 novembre 2014. Enfin, au moins une séance annuelle sur la protection de l’enfance maltraitée, prévue par l’article L. 542-3 du code de l’éducation, doit être systématiquement mise en place dans les écoles, les collèges et les lycées.
La loi du 9 juillet 2010, relative notamment aux violences faites aux femmes, prévoit, afin de mieux prévenir ces violences, que les formations initiale et continue délivrées aux enseignants doivent intégrer des éléments portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que des actions de sensibilisation aux violences faites aux femmes.
Concernant le repérage de ces situations par la communauté éducative, deux cas se présentent :
– en cas de doute ou de situation jugée préoccupante, tout personnel de l’éducation nationale doit adresser les informations préoccupantes à la cellule départementale du conseil général créée dans chacun des départements par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, afin de mettre en place une évaluation et d’éventuelles mesures de protection ; il doit également informer le chef d’établissement de la démarche ;
– en cas de révélation par l’élève ou par un tiers, ou lors de faits constatés, tout personnel de l’éducation nationale doit saisir sans délai le procureur de la République, adresser un double de ce signalement à la cellule départementale du conseil général et informer le chef d’établissement de la démarche.
La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit notamment des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité. Un travail interministériel est actuellement en cours avec le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes de la direction générale de la cohésion sociale sur la mise en œuvre du 4e plan interministériel (2014-2016) de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes et devrait utilement contribuer à lutter contre ce phénomène en milieu scolaire. Un autre travail est également engagé avec la MIPROF (mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des être humains) sur la formation des professionnels à l’impact des violences au sein du couple sur les enfants.