Dans les années 93/94, je me souviens que la revue Fluide Glacial – qui n’était sans doute pas la plus sérieuse – s’était amusée à lister les universités d’été organisées par les jeunes politiques français pour en distinguer la moins sérieuse, la plus libre. Je ne veux pas me souvenir de ce qu’en était le résultat. Mais je sais que celle qu’organisait les militants du PS à Rotterdam le week-end du 1er mai n’ y était pas listée. Parce que le printemps n’est pas l’été. Pour le reste, c’est avec amitié que Philip Cordery avait réuni les militants des sections socialistes du Benelux pour débattre. Débattre non pas des slogans vus dans les rues de Rotterdam (« Workers of the world, UNITE ! » « Weg met crisis en oorlog ! Voor het socialisme ! ») mais de trois thèmes aux cœur de l’actualité européenne et nationale :
– Quel bilan pour cette première moitié du quinquennat de François Hollande et que devons-nous faire des deux années à venir ?
– Laïcité et intégration en Europe,
– L’Europe et la montée des populismes.
Un point commun dans chacune de ces discussions qui ont réuni une quarantaine de militants : le courage. Courage de contribuer à réformer la société tout en étant pédagogue ; courage d’affirmer l’importance de la laïcité même si celle-ci – dans sa rigueur seule susceptible de garantir réellement la liberté de conscience – divise notre parti. Courage enfin de rouvrir une réflexion sur l’Europe afin de cautériser une plaie que la campagne référendaire sur le TCE que nous avons laissée se refermer sans voir la cicatrice laissée, une cicatrice que chaque campagne électorale rouvre et sur laquelle l’extrême droite et les populismes de tout bord appuient pour nous faire mal et blesser la société française.
L’on prête à François Mitterrand d’avoir dit que l’on ne sortait de l’ambiguïté qu’à son détriment. Peut-être. Mais les enjeux sont aujourd’hui trop grands pour ne pas faire preuve, comme Jean Glavany et les radicaux de gauche, de la plus grande clarté sur la question laïque ou pour ne pas vouloir re-définir un projet européen. Il devrait nous offrir un nouvel horizon après ceux des démocrates-chrétiens des années 50, des communistes italiens avec Altiero Spinelli dans les années 70 ou des sociaux-démocrates avec François Mitterrand. Le Parti socialiste en a la force, les moyens et la mémoire. Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO mais aussi ministre d’Etat chargé du Conseil de l’Europe déclarait dans une conférence du 16 février 1951 consacré à la conception socialiste de l’Union européenne : "Je suis fédéraliste, pas seulement par peur de la guerre mais parce que la mosaïque actuelle ne peut retrouver sa place dans les échanges internationaux et assurer la défense de ses valeurs que par son unité" . Et il ajoutait : "la première conséquence de cette désunion, ce sera un abaissement du niveau de vie de la classe ouvrière qui en sera encore la première et principale victime". Guy Mollet, qui avait beaucoup vécu chez nos amis anglais et un peu chez nos amis scandinaves savait le poids des cultures et des religions. Il n’en assumait pas moins des convictions fortes. Quelles que soient ces convictions, pourquoi n’avons-nous pas la force de les confronter aujourd’hui ? Pourquoi le débat, vif, argumenté entre militants durant ces deux jours ne peut-il pas être conduit au niveau national entre tous les progressistes pour, sur ce sujet aussi, écarter ce qui divise et réunir ce qui est épars ? Que le Chef de l’Etat n’hésite pas à l’ouvrir. Sur ce sujet, et sur les autres, nous serons hier comme aujourd’hui à ses côtés.