L’Afrique est un continent que je connais bien pour y avoir effectué beaucoup de déplacements. Sa partie Est m’était toujours pratiquement inconnue. J’en ai débuté la découverte à Addis-Abeba en retournant, dès mon arrivée, aux sources mêmes de notre humanité grâce à Jean-Renaud Boisserie, chercheur-paléontologue au Centre Français des Etudes Ethiopiennes. J’y ai rencontré la fameuse "Lucy" à la renommée mondiale, rappel, s’il en fallait un, de notre origine commune et de l’importance de ce continent qui après avoir été le berceau de l’humanité en est aujourd’hui l’avenir. L’occasion d’une réflexion sur la nécessaire coopération scientifique, sur le rôle de formation auprès des chercheurs éthiopiens. L’occasion aussi d’une réflexion sur la migration des "hommes". Nous sommes tous le produit d’un métissage qui assure la pérennité de l’espèce. A nous de l’accepter et de reconnaitre notre semblable comme nous-même.
Accompagnée de Dominique Petit, notre Conseiller Consulaire et par l’ami de toujours Claude Vilain, président de FdM/ADFE j’ai été heureuse de voir comment ma réserve parlementaire a été utilisée par l’école de Suluta pour améliorer le quotidien de ses 600 élèves.
Une série de réunions autour de notre Ambassadrice, Brigitte Collet, et du Premier conseiller, Arnaud Suquet, m’ont permis d’aborder les défis que nous pouvons aider ce pays à relever ainsi que ses opportunités. La multiplication des rencontres de haut niveau depuis 2013 témoigne d’une relation privilégiée entre nos deux pays. Ils avancent ensemble sur les questions régionales et africaines ainsi que sur les questions globales, notamment sur les enjeux liés au changement climatique. L’implication de l’Ethiopie lors de la COP21 en est un bel exemple. Une stratégie volontariste lui a permis d’afficher des taux de croissance élevés depuis près de 15 ans. Son développement est soutenu par un niveau élevé d’investissement public, accordant un rôle prépondérant aux entreprises publiques et au développement d’infrastructures dans le cadre d’un plan quinquennal. J’ai pu le constater pour le bon réseau routier, essentiel aux transports de marchandises en l’absence d’un réseau ferroviaire en construction par les Chinois, très présents sur les routes avec leur "terreur rouge".
L’Ethiopie est un acteur incontournable dans la stabilité de la région. Elle mobilise des milliers de soldats sur ses frontières, contribue aux forces du maintien de la paix et fait preuve d’une grande générosité en accueillant près de 750 000 réfugiés. C’est cette implication dans une zone d’instabilité, dont le massacre de Gambella du 14 avril est un tragique rappel, que la France doit accompagner.
L’Alliance éthio-française, tout comme le lycée franco-éthiopien Guebre-Mariam, ont de beaux projets de développement pour répondre à une demande croissante de Français et s’il n’est pas possible de recréer une école normale pour former les enseignants éthiopiens ainsi que cela nous est demandé, nous devrons cependant y répondre sous une autre forme. Créée en 1907, l’Alliance éthio-française est une force historique qui s’inscrit dans la relance du français au niveau national et le soutien aux diverses activités culturelles – avec ses 180 évènements annuels – sous la présidence d’Amde Akalework et la direction d’Eric Yvonnet.
La rencontre avec la direction du lycée, les enseignants et les représentants des parents d’élèves m’a permis d’apprécier les enjeux financiers auxquels ils font face en matière de rénovation et construction ainsi que leur politique de recrutement.
Au hasard de mes déplacements en ville, je découvre le mémorial au contingent éthiopien de la guerre de Corée ; élément là encore d’une fraternité d’arme commune avec la France forgée dans les tranchées de « Crève-cœur » en 1952-1953. Le monument aussi au contingent cubain venu en 1977-78 aider l’Ethiopie durant la guerre de l’Ogaden curieusement proche du musée de la Terreur rouge et de la place d’où Mengistu Haile Mariam s’adressait à la foule. Contraction du temps et de l’espace.
Mon entretien avec la commissaire aux Affaires politiques de l’Union africaine, S.E Dr Aisha Laraba Abdullahi, a été particulièrement riche au vu du travail de veille politique que l’UA effectue lors des élections en Afrique particulièrement nombreuses cette année. Nous avons aussi beaucoup échangé sur les droits des femmes et le travail réalisé et les défis encore à relever.
Enfin la visite au centre d’artisanat solidaire "Muya" est un bel exemple de l’engagement d’un Français, Jacques Dubois, qui non seulement a rassemblé 7.000 motifs de design venant de toutes les régions d’Ethiopie mais est le seul garant de l’artisanat dans le pays. Il emploie près de 600 personnes et exporte sa production.
La journée s’est terminée par une rencontre avec les amis de FdM/ADFE sous la présidence amicale et généreuse de Claude pour parler de la vie à Addis qu’un certain nombre d’entre eux partage depuis plus de 40 ans.