J’ai été invitée à rejoindre un voyage d’étude à Londres, organisé par les auditeurs IHEDN, sur les relations France- Grande-Bretagne après le Brexit. L’objectif affiché était de mieux comprendre les conséquences sur nos relations futures en multipliant les rencontres dans tous les domaines et notamment celui de la défense afin de formuler des recommandations. Forte de 26 auditeurs notre délégation a débuté ses auditions, soumises à la règle de Chatham House, par une matinée de cadrage avec notre ambassadeur, Jean Pierre Jouyet , le contre-amiral Luc Pages attaché de défense, François Revardeaux, ministre conseiller, le conseiller des affaires européennes et politique intérieure et les conseillers service économique/ sécurité intérieure/douanes. Après les analyses françaises les observations anglaises nous ont été apportées par Denis Mac Shane, ancien ministre des affaires européennes sous Tony Blair, qui prédisait dans un livre, en 2016, pourquoi le Royaume-Uni quitterait l’Europe. Espérons que son nouveau livre « Brexit: no Exit » se révèle aussi prémonitoire. Nous avons terminé la série d’auditions par celle du directeur général d’Airbus UK, qui emploie près de 14 000 personnes et dépense plus de 5 milliards de livres sterling auprès de fournisseurs britanniques, bon représentant du monde économique à dimension européenne. Nous avons terminé par une rencontre au « Cavalry & Guards Club » pour aborder les questions de mobilité citoyenne et militaire avec le colonel Geoffrey Cardozo. Au cœur de Mayfair, une façon de se plonger dans la tradition et l’élégance intemporelle et se ressourcer après une longue journée de prospective.
J’ai débuté la matinée par la rencontre de nos amis Français du Monde de Londres, Laure, Olivier et Michael. La réaction des citoyens et les conséquences sur leur vie quotidienne ne sont pas négligeables, à commencer par les actes racistes dont certains disent être victimes pour la première fois.
Nous avons enchainé par des rencontres avec les députés Julian Lewis, président de la commission défense et ses collègues, Stephen Doughty, membre du Home Affairs Committee et la baronne Hodgson of Abinder dans la House of Representative et the House of Lords. La rapide visite dans la partie réservée au public de l’hémicycle m’a ramenée en 2013 quand je défendais au parlement ma réforme sur la représentation politique des Français établis hors de France. En effet, Chloé Smith défendait au banc l’ouverture du vote à la diaspora anglaise. Une des leçons tirée du référendum au résultat différent si tous les Anglais vivant à l’étranger s’étaient exprimés.
Une seule certitude en cette fin de journée : personne n’est en mesure de dire si un accord sera signé mais tout le monde s’accorde pour dire que le pays, les partis politiques et même les familles sont profondément divisés comme nous avons pu l’être lors de l’affaire Dreyfus. Le Brexit continue d’être traité comme une question de politique interne pour satisfaire leur branche dure côté conservateur et leur base pour les travaillistes. La question irlandaise et peut-être demain écossaise semble ramener nos amis anglais à la réalité et surtout la nécessité de négocier. Phlegme ou tactique pour arracher le meilleur deal au dernier moment ?
Dernière étape de notre mission la visite du régiment les « 4 Rifles » à Aldershot, ville de garnison de 10 500 personnes sur une zone de 500 acres. Au fil du temps, ce camp est devenu une ville militaire. Après deux briefings sur les forces spéciales et le système de formation les matériels utilisés dans les OPEX, notamment en Irak et en Afghanistan nous ont été présentés.
Nous avons ensuite visité l’académie royale militaire de Sandhurst avant d’échanger avec les élèves-officiers de la British Army et des pays étrangers liés par des accords de coopération ainsi que leurs instructeurs (recrutement Bac +3). A la différence d’un officier français l’officier britannique reste attaché à son régiment durant toute sa carrière. Les élèves sont encouragés à poursuivre leurs études et près de 400 préparent un doctorat.
Malheureusement il était déjà temps de rentrer sur Londres pour compléter la mission par une rapide visite à Dublin. L’évènement organisé par la Chambre de Commerce franco-irlandaise à la résidence de France autour de notre Ambassadeur Stéphane Crouzat fut la rencontre idéale pour échanger sur l’incidence du Brexit sur l’économie irlandaise. Ouverture de nouvelles routes maritimes, signatures de nouveaux partenariats et grosse inquiétude sur la création d’une frontière terrestre et les tensions que ce sujet crée déjà au nord. Opportunités avec l’arrivée de nombreux sièges de sociétés jusqu’alors basées à Londres, la relance de l’immobilier avec la forte demande des nouveaux arrivants, un marché intérieur forcé de se diversifier, les demandes de naturalisation mais l’inconnu pèse sur les investissements et notamment sur les PME qui traitent avec l’Irlande du nord. Tous les secteurs d’activité sont touchés par la perspective du Brexit et les entreprises et investisseurs continentaux sont les bienvenus.