Chères amies, Chers amis,
Les Britanniques ont voté majoritairement pour sortir de l’Union européenne (UE) le 23 juin 2016. Seuls deux référendums avaient eu lieu auparavant. Le premier, en 1975, sur l’adhésion à la Communauté économique européenne et le second, en 2011, sur la réforme du système électoral. Dans les deux cas, les votes populaires et parlementaires étaient conformes. Ce ne fut pas le cas en 2016 puisque 51,9% des Britanniques choisissaient le Brexit, là où trois quarts des députés ont voté contre. Nous sommes tous depuis les témoins impuissants de ce qui ressemblait dans un premier temps à une farce pour, au fil du temps, tourner à la tragédie shakespearienne. Le délitement de la plus ancienne démocratie parlementaire doit nous inquiéter. En effet, l’incapacité de la Première ministre à ne contrôler ni la Chambre des communes où elle est majoritaire, ni le parti dont elle est leader, a créé une véritable crise de régime avec un Parlement et un gouvernement en conflit permanent. Les votes négatifs qui se succèdent en sont l’expression la plus évidente. Dans son discours du 20 mars dernier, elle en appelait au peuple, contre les députés, alors que son pouvoir procède du Parlement dont elle a besoin pour faire approuver son accord avec Bruxelles. Cet exercice solitaire du pouvoir est dangereux et a placé le pays dans une impasse.
Malgré ses échecs à répétition, Madame May s’accroche à « ses lignes rouges » vis-à-vis de l’UE. Cet entêtement s’explique en partie par le malentendu, au cœur de la campagne et jamais clarifié depuis, sur la notion de souveraineté. Les slogans des Brexiters ont reposé sur une indépendance et une sécurité retrouvées grâce aux frontières ; la reprise du contrôle du pays (« Take back control ») ; la liberté de négocier avec le monde entier du « Global Britain » ; une histoire racontée aux Britanniques qui n’est pas celle des continentaux. Partagés par tous les nationalistes du monde, ils omettent simplement de reconnaître qu’aujourd’hui la capacité d’un pays à peser sur sa destinée dépend de sa taille et de son poids politique face aux géants chinois et américains, entre autres. Mais ces slogans ont été entendus à la fois par les classes populaires les plus défavorisées et par les classes moyennes. Elles se sont toutes retrouvées dans les bras d’idéologues ultra-libéraux qui leur promettaient un avenir glorieux en faisant renaître l’Empire perdu. Furieux contre les élites qu’ils jugent responsables des inégalités, sensibles à une presse populaire europhobe qui blâme quotidiennement Bruxelles pour tous leurs maux, attentifs à des gouvernements successifs qui n’ont jamais expliqué tout ce que cette Union européenne leur accordait en droits supplémentaires et protection dans tous les domaines, le référendum leur a donné l’occasion d’exprimer leur colère. Il apparaît évident que le Brexit ne l’a pas apaisée et surtout qu’il n’a rien réglé. Au contraire, quelle que soit la décision finale, la démocratie britannique paraît affaiblie, le pays divisé pour longtemps et son image ternie. Il est prêté à la presse anglaise d’avoir un jour écrit : « Tempête sur la Manche. Le continent est isolé ». Nous pourrions aujourd’hui leur dire : « Tempête sur le Royaume-Uni. L’île est isolée ». Mais méfions-nous de cette tempête. Les mensonges et la lâcheté de la classe politique ainsi que les modes de gouvernance qui l’alimentent nous sont communs…
Bien à vous,
Hélène Conway-Mouret
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