« Coronavirus: le retour des Français en pleine confusion » : mon interview pour le Journal des Français à l’étranger

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Coronavirus: coût élevé des vols, peur d’être bloqué, le retour des Français en pleine confusion

Tandis que le Quai d’Orsay a publié hier un message pour expliquer les mesures qui seront prises d’ici la fin de semaine pour aider les Français bloqués à l’étranger, nombre d’entres eux s’inquiètent des prix des billets d’avions et des difficultés pour contacter les postes diplomatiques. Pour la vice-présidente du Sénat, Hélène Conway-Mouret, le terme «rapatriement» a semé la confusion.

le 19 mars 2020

Par Pénélope Bacle

Débordé par les demandes suite aux mesures prises à travers le monde face à la crise sanitaire liée au coronavirus, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a publié hier soir un nouveau communiqué pour tenter d’éclaircir la situation des Français actuellement à l’étranger. Pour les personnes résidant de manière permanente à l’étranger, il leur a de nouveau conseillé de rester chez eux sauf s’il s’avère nécessaire de rentrer au regard des conditions sanitaires. Ces Français doivent alors, d’après Jean-Yves Le Drian « se faire connaître de nos ambassades et consulats dès que possible ».

A contrario, le ministre recommande aux Français en déplacement temporaire à l’étranger de rentrer en France. Seulement, ce retour est devenu désormais un vrai casse tête pour nombre d’entre eux, qui, pour beaucoup, espéraient un rapatriement, le terme ayant été évoqué dans les discours du Président et de Jean-Yves Le Drian les 16 et 17 mars.

> Confusion avec le terme « rapatriement »

« Aujourd’hui, les Français qui ont écouté le discours du Président de la République et qui ont compris qu’ils avaient la possibilité d’être rapatriés en France, de la même manière que les Français vivant en Chine ont été rapatriés il y a quelques semaines, se tournent massivement vers les consulats. Ceux-ci sont saturés de questions émanant de Français qui demandent à être rapatriés. Ils attendent très justement que soit mis à leur disposition un avion pour les ramener en France » déclare Hélène Conway-Mouret, vice-présidente du Sénat et ex-ministre chargée des Français de l’étranger. « Cependant , il ne s’agit pas d’un rapatriement tel que nous comprenons le terme. Nous rapatrions nos ressortissants pour les mettre à l’abri d’une crise dont ils peuvent être victimes dans leur pays de résidence. Or, dans le cas présent, le discours incite les Français à quitter leur pays de résidence qui, pour beaucoup, ne sont pas au stade 3 de contamination ce qui est malheureusement le cas français. Il ne leur a pas été expliqué qu’ils seront confinés à leur retour comme l’ensemble de la population française pour 15 jours dans un premier temps. Le discours du Président manquait de clarté notamment pour les Français de l’étranger et était trop limité aux annonces. L’utilisation du terme rapatriement est impropre. Il n’est donc pas question de rapatrier des Français mais de faciliter le retour de ceux qui souhaitent rentrer chez eux », ajoute-t-elle.

De nombreux Français font part de réponses similaires des ambassades et des consulats. « Je cherche des solutions pour retourner vers ma famille en cette période de crise. Bien qu’Emmanuel Macron ait parlé de rapatriement, l’ambassade nous a clairement dit que pour l’instant il n’y aurait rien de tel. Ils s’efforcent de recenser les vols sûrs qui partent vers l’Europe, mais ils sont très peu nombreux et très chers » raconte Alexandre Pidutti, à Buenos Aires. « Je me suis rapproché de l’ambassade et du consulat pour savoir comment rentrer. Même si Macron a parlé de rapatriement, eux ont été bien clairs, il n’y a rien de tel prévu pour l’instant. Ils cherchent à nous trouver des vols qui sont valides, car il faut savoir que la grande majorité des vols qu’on trouve en ligne sont annulés et à plusieurs escales. Il y a donc de grandes chances de perdre beaucoup d’argent et de se retrouver coincés dans un aéroport car la connexion a été annulée » explique un autre Français, lui aussi en Argentine. « Nous sommes dans l’attente d’un rapatriement, dans le flou total nous ne savons pas si nous allons pouvoir rentrer vu que nous nous sommes inscrits trop tard », déclare pour sa part, Sabrina Vandendyck, à Malte

Un autre Français nous a transmis la réponse de l’ambassade à Jakarta, en Indonésie, lui faisant part de l’urgence pour eux de trouver un billet de retour : « La question n’a en réalité pas trait à la situation sanitaire mais à la raréfaction des vols. Le retour est encore possible, mais prenez vos dispositions dès maintenant, vous risquez d’être en situation irrégulière car, à ce jour, les autorités n’ont pas prises de mesures dérogatoires ».

> Un plan de transport aérien d’ici la fin de semaine

Dans son discours hier soir, Jean-Yves Le Drian a cherché, pour sa part, à rassurer les Français quant aux dispositions prises concernant les vols de retour en France. Selon le ministre, un plan de transport aérien est actuellement en préparation, d’ici la fin de la semaine, en coordination avec Air France. « Un mécanisme global et mondial pour permettre à nos ressortissants qui le souhaitent de rentrer chez eux en France par voie aérienne va être mis en place très rapidement, en lien avec Air France. Il reposera sur un plan de transport aérien adapté pour l’ensemble du monde, en fonction des priorités et urgences locales, et permettra à chacun de réserver un billet retour auprès d’une compagnie. Les détails techniques de ce mécanisme seront précisés d’ici la fin de la semaine à nos ressortissants en difficulté, par Air France et notre réseau diplomatique et consulaire. Malgré la suspension progressive de la plupart des dessertes aériennes dans le monde dans les prochains jours, nous serons ainsi en mesure de proposer, avec les compagnies aériennes mobilisées, des solutions commerciales raisonnables de retour chez eux à nos compatriotes » Jean-Yves Le Drian.

Pour Hélène Conway-Mouret, il y a eu jusqu’à présent un problème de coordination entre les autorités françaises et Air France : « Nous avons un vrai souci de coordination au niveau Français. Les compagnies aériennes étrangères ont très vite mis en place des plateformes pour leurs ressortissants où les gens s’inscrivent. Quand les sièges sont tous vendus, les passagers reçoivent une notification du jour et de l’heure de départ de leur avion. Air France pourrait s’inspirer de cet exemple qui fonctionne bien. Nous perdons un temps précieux alors que les aéroports ferment les uns après les autres. Il est injuste que toute la pression repose sur des consulats qui sont complètement débordés alors que beaucoup sont déjà en sous-effectifs » insiste-t-elle.

Dans ce contexte, beaucoup de Français s’inquiètent des prix très élevés actuellement exercés par Air France, certains se retrouvant dans l’impossibilité d’acquérir ces billets d’avions. « Air France nous propose un vol à minimum 1600€ par personne, très loin d’un prix modéré et impossible pour nous de nous le payer. Nous sommes également allées à l’ambassade de France d’Hanoi mais ils n’ont pas de solution pour nous puisqu’il existe toujours celle d’Air France selon eux » nous raconte Laetitia Leconte, actuellement au Vietnam. Son témoignage fait échos à celui d’une autre Française dont la mère, est elle aussi bloquée au Vietnam « Les billets qu’elle pourrait éventuellement acheter seule sont inabordables – plus de 1000 euros – et elle ne peut pas les financer » raconte-t-elle.

« Je comprend que ce soit compliqué pour le consulat et l’ambassade, mais ce qui m’énerve c’est que plein de pays organisent des rapatriements de leurs ressortissants, mais pas la France. Il y a même des vols qui partent vides d’Argentine vers la France pour permettre aux Argentins de rentrer dans leur pays » s’insurge un autre Français à Buenos Aires.

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