Faisant suite à une première conférence téléphonique qui s’est tenue le 19 mars dernier, le Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne a organisé une nouvelle réunion avec les parlementaires représentant les Français de l’étranger, le Directeur du centre de crise, la Directrice de la DFAE, le Directeur de l’AEFE et la Directrice de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau. En effet, si le retour de 10 000 à 15 000 Français est organisé chaque jour, des difficultés relayées par les élus persistent aux quatre coins du monde et il nous faut à la fois répondre à l’urgence et anticiper les besoins à venir.
Concernant l’enseignement français à l’étranger
Alors que la quasi-totalité des établissements français à l’étranger est fermée, des mesures pour assurer la continuité pédagogique et l’enseignement à distance ont été engagées : le déblocage de la géolocalisation pour de nombreux programmes pédagogiques est réalisé ou en cours de réalisation, un bilan sur le fonctionnement du système est prévu en concertation entre les chefs d’établissements et les enseignants.
Deux questions demeurent en attente.
Premièrement, le paiement des frais de scolarité inquiète de nombreuses familles dans l’incapacité de s’en acquitter. La DFAE étudie la mise en place d’une aide exceptionnelle accordée aux foyers résidant en Chine ou au Vietnam, confrontés à la crise depuis le mois de janvier. Mais à mesure que la crise se prolonge, la question se posera pour le reste du réseau et devra être examinée à l’occasion de la prochaine discussion budgétaire.
Deuxièmement, les modalités de la tenue des épreuves du brevet et du baccalauréat, dont les premières ont lieu au mois de mai en Amérique du Nord, sont encore inconnues. Le dialogue est en cours avec le ministère de l’Éducation nationale.
Concernant les Alliances françaises
Il est fait état de plus de 500 Alliances françaises aujourd’hui fermées sur les 800. Sur les 108 Alliances du réseau américain, une quarantaine d’Alliances enseignantes, ayant un volume d’activité moyen, sont à risques si la situation devait perdurer. Cependant, grâce à la mise en place en extrême urgence et dans des délais exemplaires d’une plateforme digitale permettant, gratuitement et pendant toute la période de la crise sanitaire, un enseignement en ligne de grande qualité, l’impact immédiat sur les trésoreries et l’emploi des enseignants vacataires est limité.
Concernant l’aide sociale
Les Français en difficulté doivent se signaler auprès des postes, qui bénéficient de crédits spécifiques d’aide. Une sollicitation accrue est à prévoir et nécessitera l’abondement des crédits destinés à l’aide sociale du MEAE lors du prochain projet de loi de finances rectificative.
Concernant l’organisation des retours en France
Le Secrétaire d’État a d’abord procédé à un point d’étape de l’organisation des retours en France :
– Sur les 130 000 Français en déplacement à l’étranger ayant manifesté leur volonté de rentrer, 100 000 d’entre eux ont pu regagner le territoire national à l’heure actuelle.
– La fermeture de l’aéroport d’Orly, en vigueur dès le 26 mars, n’empêchera pas les retours en France.
– Lorsque les vols commerciaux ne sont plus assurés, des avions militaires sont et continueront à être mobilisés.
– Les Français de retour devront se prévaloir d’une attestation obligatoire sur papier libre et conserver leur billet d’avion en cas de contrôle entre l’aéroport et leur lieu de résidence.
Il a ensuite été alerté de certains blocages persistants.
Tout d’abord, de nombreux Français sont confrontés au prix prohibitif de cetains billets d’avion, dont l’augmentation est due à un algorithme qui applique machinalement les lois de l’offre et de la demande. Si les autorités françaises ont demandé un effort de modération aux compagnies françaises, elles ne disposent d’aucun levier sur les autres.
En outre, compte-tenu de l’interdiction des déplacements en vigueur dans certains pays, certains Français ne parviennent même pas à se rendre dans les aéroports. C’est le cas par exemple aux Philippines où l’insularité en archipel les empêche de rejoindre Manille par le biais des compagnies locales. C’est aussi le cas au Pérou.
Par ailleurs, la possibilité d’utiliser des bâtiments inoccupés de l’État français à l’étranger pour accueillir des Français en déplacement temporaire à l’étranger et dans l’incapacité de rentrer en France est étudiée.
Concernant les permis temporaires, cartes ou titres de séjour
Tout d’abord, nous devons anticiper une deuxième vague de retours de Français, susceptibles de perdre leur emploi dans leur pays d’accueil à l’aune d’une potentielle crise économique et de perdre en conséquence leur titre de séjour.
S’agissant des permis temporaires et des cartes de séjour, qui concernent essentiellement les Programmes vacances-travail (PVT) et les étudiants, des démarches locales au cas par cas pour leur extension sont mises en place.
Concernant les élections
La modification du calendrier électoral, prévue par l’ordonnance relative à la prorogation des mandats des conseillers et délégués consulaires et aux modalités d’organisation du scrutin, engendrera nécessairement l’annulation de certaines opérations électorales, telles que les tirages au sort déterminant l’ordre de présentation des affiches, des bulletins de vote et d’apparition des candidats, qui ont déjà eu lieu dans des circonscriptions où pourront manifestement être présentées de nouvelles listes. Ainsi, un certain nombre de mesures réglementaires restent à prendre.
Concernant la sécurité
L’une des priorités est d’assurer la sécurité des Français établis hors de France, notamment dans des pays où les infrastructures sanitaires sont insuffisantes voire inexistantes.
Mon intervention
Avant toute chose, je me suis réjouie que le tourisme et le commerce extérieur aient été intégrés sous la tutelle du MEAE. Cela permet au ministère de traiter les cas des touristes comme celui de nos entreprises en souffrance à l’étranger.
J’ai aussi rappelé l’effort des parlementaires représentant les Français de l’étranger qui tentent, chaque année lors de la discussion budgétaire par leurs amendements, de protéger les crédits du Ministère. Nous serons une nouvelle fois au rendez-vous lors de l’examen du prochain projet de loi de finances en novembre.
J’ai ensuite interrogé le Secrétaire d’État sur plusieurs points.
D’une part, j’ai signalé le problème d’un évident manque de coopération entre les compagnies aériennes au niveau européen. J’ai cité, à titre d’exemple, le cas d’un vol récemment effectué par la Lufthansa : si la première liaison entre Tokyo et Francfort a été assurée, la seconde entre Francfort et Paris a été inopinément annulée. Les Français se trouvant à bord, qui n’avaient pas été prévenus, se sont retrouvés sur le territoire allemand et considérés de fait en situation irrégulière par la police allemande.
D’autre part, j’ai souhaité relayer les critiques de plus en plus prégnantes envers Air France, accusée d’annuler ou de ne pas organiser suffisamment de vols. Toutefois, il faut savoir que le débarquement d’équipages ou l’atterrissage d’avions français sont parfois interdits par les diverses autorités nationales, ce qui entraîne ces annulations. Il est néanmoins regrettable que tous les Français n’aient pas été en mesure de rentrer plus rapidement, ou soient toujours bloqués à l’étranger. Dans le contexte de fermeture des frontières et de l’espace aérien, une coopération au niveau étatique est essentielle pour que chaque pays puisse assurer le retour de ses ressortissants. À cet égard, je tiens à saluer l’engagement de l’ensemble du MEAE et de ses ministres.
J’ai abordé la question toujours en suspens du report des élections des conseillers et délégués consulaires. Il a été rappelé que l’article 21 de la loi d’urgence du 23 mars 2020 conditionne le report des élections consulaires au mois de juin aux conclusions du rapport remis par le gouvernement au Parlement au plus tard le 23 mai faisant état de la situation de l’épidémie. J’ai souligné que nous devons attendre que la date des élections sénatoriales soit fixée, puisque de cette décision découlera le calendrier qui nous sera imposé pour la tenue des élections consulaires.
J’ai ensuite évoqué le problème lié à la tenue des Commissions locales des bourses (CLB). Celles-ci pourraient être empêchée si la crise et a fortiori le confinement dans de nombreux pays perdurent, les établissements étant fermés, les élus ne pouvant se déplacer, et les équipes consulaires étant totalement mobilisées par la gestion de la situation sanitaire.
J’ai aussi regretté que la Fondation Alliance française soit toujours privée de conseil d’administration (CA), celui-ci ayant démissionné en janvier 2018 il servait pourtant de tête de pont à l’ensemble du réseau. Il est constitué d’Alliances françaises ayant toutes le statut d’association locale. J’ai une nouvelle fois déploré le rejet par le gouvernement de l’amendement que j’avais présenté en séance visant à abonder le budget de la Fondation de 1,5 million d’euros en décembre 2017, qui aurait évité la démission de son CA. Un nouveau CA devrait être nommé prochainement. Quand des Alliances françaises ferment, c’est autant de perte d’influence dans les pays. Les professeurs, souvent vacataires, sont les premières victimes, généralement tous tributaires du droit local.
J’ai enfin demandé des précisions concernant les mesures prises par les postes à l’égard des Français incarcérés à l’étranger en cas de contamination. Il m’a été indiqué que les visites par les postes ont été suspendues ou interdites dans les prisons et qu’ils ont eu pour consigne de prendre contact avec nos ressortissants par téléphone. Les familles ont également été invitées à prendre contact.
Suite à cette réunion téléphonique j’ai décidé de saisir la Secrétaire d’État chargée des affaires européennes, Amélie de Montchalin, sur certaines de mes interrogations demeurant en suspens, notamment sur la coopération européenne.