Je souhaite partager à la fois les impressions et l’analyse politique que je tire du débat du deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) depuis le début de la crise sanitaire qui a eu lieu au Sénat du 21 au 23 avril.
D’abord, nous avions des conditions de travail très particulières, imposées par la distanciation sociale. Ensuite, nous avons ressenti un sentiment d’inutilité alors que tous nos amendements ont été systématiquement rejetés par le rapporteur et le ministre.
Nous nous sommes abstenus sur les amendements de la majorité sénatoriale qui abondaient le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et des bourses parce que nous les jugions trop modestes. Nous nous sommes néanmoins réjouis de leur adoption jusqu’à la tenue de la commission mixte paritaire (CMP). Ils furent alors sacrifiés par le Sénat, parce que l’Assemblée nationale n’en voulait pas, afin que la commission soit conclusive.
Nous aurons un troisième PLFR dans quelques semaines. Le gouvernement a promis qu’un plan d’urgence pour les Français de l’étranger serait alors présenté. Le temps presse et chaque semaine qui passe nous place dans une situation de plus en plus délicate pour gérer le quotidien et anticiper une rentrée sereine en septembre prochain. Dans ce contexte, il est choquant que les députés de la majorité se limitent à des amendements d’appel, alors qu’ils reconnaissent eux-mêmes qu’il y a urgence. Avec mes collègues sénateurs, nous continuerons à travailler à l’estimation des besoins en restant à l’écoute de nos communautés et nous participerons au prochain débat budgétaire avec la volonté d’obtenir les crédits dont nos compatriotes et nos réseaux éducatifs, culturels et économiques ont besoin.
Un élément cependant m’inquiète particulièrement. J’ai noté, dans un amendement présenté à l’Assemblée nationale mais rejeté par le gouvernement, puis repris par notre collègue Richard Yung qui, lui, l’a défendu, une demande d’aide pour tous les établissements scolaires homologués, sans distinction de statut. Même lors de l’audition par le Sénat du président de la FAPÉE, l’Association n’en demandait pas tant. Je crains que certains collègues parlementaires, déçus de voir la privatisation des établissements scolaires arrêtée dans son élan, ne poussent pour qu’elle se réalise à l’intérieur même du réseau. Si des établissements partenaires privés recevaient les mêmes aides que les établissements à gestion directe (EGD) ou les établissements conventionnés, quels avantages ces derniers trouveraient-ils à faire partie du réseau ? Les premiers n’auraient que les avantages (c’est à dire les bourses et maintenant une aide de l’État), les seconds seraient soumis à des contraintes que les autres n’ont pas. N’est-ce pas une façon d’inciter au déconventionnement ? De mon point de vue, les EGD ainsi que les établissements conventionnés devraient être prioritaires pour recevoir un soutien de l’État. Ceux qui quittent le réseau – j’ai eu à traiter le cas de Mexico que nous n’oublierons jamais – le font pour des raisons purement financières. L’enseignement du français n’y est vite plus prioritaire et la sélection des élèves y est fondée sur les possibilités financières des parents. Pour moi, l’AEFE représente l’extension du service public à l’étranger, mais aussi l’excellence de l’enseignement français dont nous sommes si fiers. Alors ne détruisons pas ce qui marche au service d’une idéologie dépassée. L’ANEFE, qui apportait la garantie de l’État pour des emprunts que les établissements voulaient contracter pour financer leurs projets d’agrandissement, a été cassée sans consultation, mettant dans l’embarras certains établissements. Deux ans plus tard, nous ne savons toujours pas par quoi la remplacer et il est question de la reprendre. Si l’AEFE aujourd’hui devait être affaiblie, voire menacée dans son existence, ce serait dramatique pour des milliers de familles et pour la francophonie. Alors arrêtons les décisions intempestives et prises sans concertation avec les conséquences néfastes que nous avons constatées jusqu’à présent.
Vous trouverez ci-dessous les amendements préparés par Claudine Lepage et repris par le groupe Socialiste et Républicain du Sénat.