Tester massivement la population : quelle efficacité pour endiguer la pandémie ?

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Alors que la province du Wuhan sort à peine de 78 jours de confinement strict, il semblerait qu’une deuxième vague pandémique soit en train d’affluer sur le pays le plus peuplé du monde. Selon les autorités chinoises, il s’agirait principalement de cas importés, à savoir des étudiants chinois rentrant dans leur pays ou de Chinois de la province du Wuhan revenant de Russie.

À l’aune des déclarations d’Emmanuel Macron, le lundi 13 avril dernier, il est question que la France se libère progressivement de l’épisode de confinement, à partir du 11 mai. Si le Gouvernement veut sortir de la crise par le haut, il faudrait commencer par ne pas écarter d’un revers de main le fait de tester l’ensemble de la population, au motif que cela n’aurait aucun sens. Ceci d’abord pour une raison élémentaire, un test intégral permettrait d’avoir une cartographie précise de la maladie sur le territoire national. Ensuite, parce qu’il ne sert à rien d’envisager des solutions de traçage de la population si cette dernière n’est pas testée, seuls seraient alors répertoriés les malades connus des services sanitaires et ayant accepté de télécharger une application de traçage. 

Ces chiffres sont à mettre en regard du coût des soins à l’hôpital. Je pense que le calcul est vite fait. Néanmoins, l’État ne semble pas en mesure de pouvoir faire produire 70 millions de tests en quatre semaines et encore moins 280 millions en 8 semaines. Une nouvelle fois, il est expliqué à la population que les tests massifs sont inutiles et dépourvus de sens alors même que la véritable raison est le défaut de stocks et le manque d’anticipation en ce domaine.

Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesusdéclarait il y a peu “Nous n’avons pas vu d’escalade suffisamment urgente dans le dépistage, l’isolement et la recherche des contacts, qui constituent l’épine dorsale de la réponse. C’est la combinaison des approches qui compte. Comme je ne cesse de le répéter, tous les pays doivent adopter une approche globale, mais le moyen le plus efficace de prévenir les infections et de sauver des vies est de briser les chaînes de transmission, et pour ce faire, vous devez tester et isoler. On ne peut pas combattre un incendie les yeux bandés, et nous ne pouvons pas arrêter cette pandémie si nous ne savons pas qui est infecté. Nous avons un message simple pour tous les pays : Testez, testez, testez, chaque cas suspect”.

Voici pour le principe de base. Néanmoins, revenons sur l’efficacité de ces tests pratiqués à grande échelle dans d’autres pays face à un virus que nous ne maitrisons qu’encore imparfaitement.

Multiplier les tests et placer les malades en quarantaine : pour empêcher une saturation de ses hôpitaux, où le personnel manque, l’Allemagne est en train d’adopter la stratégie choisie par la Corée du Sud face au coronavirus. Souvent montrée en exemple en Europe pour la gestion de l’épidémie, l’Allemagne pratique déjà, selon les autorités, entre 300 000 et 500 000 dépistages par semaine, un rythme plus élevé que nombre de ses voisins européens, la France en particulier qui les réserve aux seuls malades à pathologie sévère. L’Allemagne compte poursuivre sa stratégie avec pas moins de 200 000 tests par jour (contre 20 000 tests quotidiens en France). Seraient désormais testés tous ceux qui pensent être atteints du Covid-19, ainsi que toutes les personnes susceptibles d’avoir été en contact avec un malade. Actuellement, les dépistages concernent les personnes à la fois malades et ayant été en contact avec une personne positive. Ces dernières semaines, la Corée du Sud a quant à elle été citée en exemple : campagne massive de dépistage, isolement des personnes infectées et traçage technologique pour retrouver puis tester les gens avec qui elles ont été en contact.

De la fiabilité des tests : mieux vaut être sûr de la fiabilité des tests qui seront choisis, pour ne pas déconfiner des personnes sur la base de faux positifs (lorsque le test indique que la personne a été infectée alors que ce n’est pas le cas). Dans les laboratoires parisiens, quatre projets (sur les seize lancés sur le coronavirus) portent sur la caractérisation d’anticorps spécifiques. L’un d’eux a ainsi abouti à un prototype prometteur actuellement en cours d’évaluation. L’objectif est de mener une première enquête sur la prévalence des anticorps parmi les personnes qui ont été exposées au coronavirus Sras-CoV-2, à savoir des soignants et/ou des proches de cas confirmés. L’intérêt des tests sérologiques, dans la perspective d’un déconfinement, est d’être beaucoup plus simple à réaliser techniquement que les tests diagnostiques dits PCR. Le prélèvement sanguin est bien plus généralisable que le passage de l’écouvillon nasal. La France sait par ailleurs faire de la sérologie à très grande échelle. 

Si le Gouvernement acceptait résolument de déployer massivement ces tests dans les semaines et mois qui viennent, la donne en serait totalement changée. En donnant notamment une cartographie précise de cette épidémie pour laquelle on sait que la majorité des cas sont probablement passés sous les radars des tests diagnostiques. Autrement dit, résoudre la grande inconnue de la pandémie de Covid-19 : quelle est la proportion de la population qui a déjà été infectée par le virus sans s’en rendre compte ? 

Selon les modèles, les épidémiologistes indiquent qu’il faut multiplier par 10 à 100 le nombre de cas confirmés (2 millions de cas confirmés dans le monde au 15 avril). 

En conclusion et vous l’aurez compris, la France ne pourra pas sortir de cette crise sanitaire sans savoir où se situent les malades sur son territoire, condition uniquement offerte par un test préalable de tous les Français. Sinon, nous serons confrontés à la deuxième vague épidémique tant redoutée qui déferlera immanquablement sur l’ensemble de notre territoire, comme c’est déjà le cas dans la province du Wuhan.


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