Kamala Harris, nouvelle (Vice-)Présidente des Etats-Unis
Joe Biden a clairement laissé entendre qu’il ne viserait pas un second mandat en raison de son âge avancé. Il ne restera en 2024 plus qu’une marche à sa Vice-Présidente, Kamala Harris, pour faire voler en éclat un ultime plafond de verre, celui de l’accession d’une femme au bureau ovale. Hillary Clinton, bien que favorite des sondages en 2016, n’était pas parvenue à le briser.
Les démocrates ont confié à Joe Biden la mission de réparer l’Amérique et il leur a promis en retour de restaurer la décence et la normalité dans la vie politique du pays. Généralement, le rôle des vice-présidents est symbolique mais, cette fois-ci, ce que représente Kamala Harris est vraiment important : c’est une femme afro-américaine et d’origine indienne. Elle incarne aussi l’électorat le plus fiable du Parti démocrate, un électorat qui commence enfin à accéder au pouvoir. Pour certains, la désignation de Kamala Harris à la vice-présidence constitue surtout un galop d’essai pour 2024. A 56 ans, la future vice-présidente aura, au maximum, quatre ans pour peaufiner son profil présidentiel. En 2024, son « Yes we can » s’adressera aussi et même surtout aux femmes américaines. Lorsque Kamala Harris prononce son discours à la fin août contre la politique de Donald Trump, elle accepte de se charger de faire aboutir de toute urgence les revendications des afro-américains. Ces revendications ont mis Kamala Harris sur le ticket démocrate.
Après deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), Kamala Harris avait été élue, deux fois, procureure générale de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme à diriger les services judiciaires de l’État le plus peuplé du pays. Puis en janvier 2017, elle avait prêté serment au Sénat à Washington, s’inscrivant comme la première femme originaire d’Asie du Sud et seulement la deuxième sénatrice afro-américaine de l’histoire. Kamala Harris est démocrate, donc de gauche au sens américain du terme, mais elle n’appartient pas à cette branche plus « socialiste » jusqu’alors incarnée par Bernie Sanders. Comme Joe Biden, Kamala Harris veut apaiser, rassembler. Elle a également parfaitement conscience de son lien avec le mouvement Black Lives Matter et toutes les autres organisations citoyennes antiracistes qui, au cours des quatre derniers mois, ont réussi à pousser le pays vers l’égalité raciale avec un succès inégalé dans l’histoire des Etats-Unis. Cette avocate de formation appartient à la classe moyenne, comme d’importants leaders et activistes afro-américains, au premier rang desquels Martin Luther King Jr. Ces hommes et ces femmes ont fait sauter le carcan du racisme et de la ségrégation. Après l’abolition des dernières lois ségrégationnistes dans les années 1960, les membres de cette classe sociale ont été libres de vivre une vie heureuse, et beaucoup l’ont fait. Les succès durement obtenus par les universitaires, les médecins, les avocats et les cadres supérieurs étaient la preuve qu’ils poursuivaient la lutte, et que celle-ci portait ses fruits. Néanmoins et corrélativement, leur ascension les obligeait à minimiser leur préoccupation pour les afro-américains ordinaires dans leur ensemble.
Kamala Harris possède les atouts dont un candidat à la présidence américaine a besoin : elle est télégénique, elle dispose d’un sang-froid imperturbable et, comme on a pu le voir pendant la campagne présidentielle, c’est une oratrice charismatique. Elle peut être également extrêmement caustique : elle a mis en déroute le ministre de la Justice William Barr au Sénat l’année dernière, et Joe Biden lui-même lors des débats des primaires démocrates. La Vice-Présidente a la force et la légitimité nécessaires pour mettre officiellement la lutte des minorités au sommet des priorités politiques de son pays. Enfin, elle aura un rôle déterminant après le 5 janvier, date du deuxième tour de deux élections sénatoriales en Géorgie. En effet, si les démocrates remportent ces deux sièges, il y a de fortes chances que le Sénat soit composé de 50 sénateurs démocrates et de 50 sénateurs républicains. En tant que Vice-Présidente, elle aurait alors une voix prépondérante sur tous les textes de loi qui passeraient devant la chambre haute américaine.
Le ticket Biden/ Harris à quatre ans pour réparer le pays, l e temps pour Kamala Harris de se préparer.