Mon interview à Bruxelles pour le journal Lesfrançais.press : défense européenne, élus consulaires et élections sénatoriales

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J’ai accordé une interview au Conseiller des Français de l’étranger Jérémy Michel, correspondant à Bruxelles du journal Lesfrancais.press, au cours de laquelle j’ai évoqué, entre autres,  la nécessité d’une stratégie de défense européenne, la situation des élus consulaires et les élections sénatoriales qui se sont tenues le mois dernier.

Retrouvez mon interview en suivant ce lien ou ci-dessous : 

Rencontre avec la Sénatrice Conway-Mouret : défense & élus consulaires

Hélène Conway-Mouret est Sénatrice pour les Français de l’étranger et secrétaire à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Palais du Luxembourg. Dans un entretien avec Jérémy Michel, notre correspondant à Bruxelles, elle revient sur l’importance d’une stratégie de défense européenne. On évoque aussi avec elle la situation des élus consulaires, en 2013, la sénatrice étant à l’origine de la création de ces mandats. On revient à cette occasion sur les sénatoriales et la tentative de Ségolène Royal de décrocher son siège. 

 

« La défense européene, c’est d’abord le maintien de la paix »

 

Lesfrancais.press : Vous êtes en déplacement à Bruxelles pour présenter le rapport sur la défense européenne que vous avez co-écrit avec le Sénateur Ronan Le Gleut, quel était l’objectif de cette étude ?

 

Hélène Conway-Mouret : en 2019, nous avons publié ce rapport s’appelant « Défense européenne : le défi de l’autonomie stratégique » dont l’objectif n’est pas la création d’une armée, ni celle d’équipements militaires. En effet, la défense européenne, c’est d’abord le maintien de la paix. Je suis une pacifiste. La paix sur notre continent, je la ressens comme notre atout le plus fort qui nous permet ensuite de décliner nos valeurs démocratiques.

 

Lesfrancais.press : C’est-à-dire ?

 

Hélène Conway-Mouret : En étant Sénatrice représentant les Français de l’étranger, je me déplace beaucoup et je me rends compte que lorsqu’il n’y a pas la paix, il n’y a absolument rien. C’est ainsi que pour moi, la défense européenne, c’est d’abord le maintien de la paix. Maintien de la paix sur notre continent et aussi à l’extérieur. Par exemple aujourd’hui, je pense que l’Europe a un rôle à jouer en Afghanistan. Celui notamment de pouvoir faire en sorte que les femmes afghanes soient respectées. La défense européenne c’est donc la paix chez nous, la paix dans le reste du monde, la défense de valeurs démocratiques et la sécurité, sécurité au sens large, celle des personnes mais aussi la sécurité alimentaire, la sécurité climatique, la sécurité sanitaire.

 

Lesfrancais.press : Cette défense européenne vous l’imaginez comment ?

 

Hélène Conway-Mouret : De façon collective, en se disant que nous avons des intérêts qui nous sont propres et qui ne sont pas forcément partagés par nos alliés. Je pense aux Américains qui, sur le plan économique et géopolitique ont des intérêts différents des nôtres. Or, si nous sommes en capacité d’être forts, d’être crédibles, cela nous donne une indépendance – comme ce fut le cas lors du conflit en Irak où nous avions décidé de ne pas être entrainés dans ce conflit – cela nous donne la possibilité d’être autonome et de ne pas être dans un suivisme obligatoire parce que l’on serait redevable à notre allié d’une sécurité collective. Aujourd’hui la plupart de nos partenaires européens considèrent que l’Otan est la seule sécurité que nous avons et ne croient pas encore à la défense européenne. La raison n’est pas financière car il existe déjà un fonds européen de défense, il y a également des investissements qui sont réalisés. Ce qui manque c’est la volonté politique, c’est ici que se trouve le blocage.

 

Lesfrancais.press : Votre rapport est un rapport franco-français, il a été rédigé par deux sénateurs du Palais du Luxembourg, comment dès lors peut-il être accueilli par nos partenaires européens ?   

 

Hélène Conway-Mouret : Ce rapport n’est pas franco-français. Nous avions adopté une méthode où nous sommes allés écouter nos partenaires européens. Avec Ronan Le Gleut, nous avons voulu éviter l’image de la France donneuse de leçons, et ces échanges nous ont d’ailleurs amené à bien réfléchir au titre de ce rapport.  Nous sommes ainsi arrivés à un accord pour ne pas parler d’autonomie stratégique mais plutôt de défi de l’autonomie stratégique en articulant 12 propositions dont celle demandant la rédaction d’un livre blanc. Et bien aujourd’hui nous avons au niveau européen la « boussole stratégique » qui est un synonyme de ce livre blanc souhaité où est fait l’analyse des besoins, des menaces, des faiblesses… analyse sur laquelle on s’appuiera pour sortir des objectifs clairs. Le travail s’effectue actuellement, mais ici encore, il faudra faire preuve de volonté politique pour que ces objectifs puissent se traduire par des réponses, et des réponses concrètes.  

 

Lesfrancais.press : Vous avez des exemples ?

 

Hélène Conway-Mouret : Parler de concept aujourd’hui n’a pas de sens. Dire que l’on a besoin d’armée européenne, tout le monde sait que c’est un concept qui ne verra jamais le jour. Je crois que les Européens sont las de propositions qui sont sur le papier intéressantes mais qui ne se concrétisent jamais. Or, on a besoin aujourd’hui de concret, comme l’ont été les avancées européennes. On a eu l’euro, on a une mobilité… ça fait partie du quotidien des gens.

 

Dans le domaine de la défense, on a une Europe qui protège collectivement avec des projets comme le SCAF (Système de combat aérien du futur) qui n’est pas uniquement la création d’un avion. Ce projet concret favorise le développement de drones, de satellites, ce qui nous permet de jouer dans la cour des grands. On sait que les Russes, les Américains, les Chinois travaillent aussi sur ces sujets. Sans ce type de projets concrets, nous nous retrouverions dans une situation où nous serions, avec l’Afrique, situés entre les États-Unis à l’Ouest et la Chine et Russie à l’Est dans une position où nous serions attentistes de ce que ces pays décideraient pour nous. Ce n’est pas ce que je souhaite pour notre continent. Nous devons pouvoir continuer à décider de nos choix.

 

Les conseils consulaires 

 

Lesfrancais.press : vous évoquez le fait de décider, il y a quelques années vous aviez ainsi fait adopter une loi en 2013 sur la représentation des Français à l’étranger avec la création des conseils consulaires. Cette loi a fait l’objet d’une modification en 2019, que pensez-vous de cette évolution qui donne notamment aux élus la présidence du conseil consulaire ?

 

Hélène Conway-Mouret : Cette évolution est très positive. En 2013, j’ai institué un système qui correspondait au XXIème siècle en prenant en compte cette demande de la population d’avoir une démocratie participative avec des élus de terrain, des élus de proximité. Les Français ne veulent plus avoir à faire uniquement aux conseillers techniques, ils veulent aussi avoir à faire aux élus. C’est une loi qui s’inscrit dans cette évolution et que j’ai conceptualisée pour qu’elle puisse être en mouvement.

 

Avant cette loi, il n’y avait rien eu depuis 1981 alors que la population française vivant à l’étranger avait beaucoup évolué. Nous avons donc maintenant des conseillers consulaires, des équipes avec un conseil qui est un lieu de débat, un lieu d’échange avec des gens qui représentent des aspirations politiques différentes mais qui correspondent à l’ensemble de leur communauté. C’est dans ces lieux que nous pouvons avoir des lanceurs d’alertes pour les parlementaires. Nous avons besoin de cet ancrage local, comme il est important d’avoir ce rapport avec la population le plus proche possible. Un Français ne va pas écrire à son Consul pour une histoire personnelle alors qu’il contactera plus facilement son élu. Aussi, je serai pour toutes les évolutions qui vont dans le sens de renforcer les compétences, de renforcer les moyens du conseil consulaire. Sur la base de l’expérience, j’avais d’ailleurs proposé que le nom « conseiller consulaire » se transforme en « conseiller des Français de l’étranger, » : vous voyez, je ne reste pas figée sur ma loi de 2013.

 

Lesfrancais.press : On sort d’une séquence électorale qui a été celle des élections sénatoriales pour les Français de l’étranger, quel bilan faites-vous des résultats ?

 

Hélène Conway-Mouret :  Il y a eu du suspens. C’était une élection comme je n’en avais jamais vu, en tout cas pour mon camp. Jusqu’à présent, nous avions une primaire en interne et de cette primaire sortait le nom des candidats. C’est comme cela que j’ai été choisie précédemment et on allait ainsi sereinement aux élections. Il n’y avait pas de contestation. Or cette fois ci, il y eu une multiplication des listes. J’ai appelé à l’union et je pensais que même s’il n’y avait pas eu le même processus de la primaire, ils arriveraient à s’entendre. Mais cela n’a pas fonctionné. J’ai sincèrement regretté ce manque d’union.

 

Lesfrancais.press : La responsable de cette désunion est-elle Ségolène Royal ?

 

Hélène Conway-Mouret : En son temps il y a eu des parachutés à droite et cela n’a jamais fonctionné. J’avais prévenu Ségolène Royal. Nous n’avions jamais eu de parachutage à gauche, nous l’avons eu cette fois-ci, et on arrive au résultat que cela ne fonctionne pas.

 

Lesfrancais.press :  L’élection présidentielle approche, si vous aviez une mesure principale à promouvoir pour les Français de l’étranger ce serait laquelle ?

 

Hélène Conway-Mouret : De mettre les moyens en faveur du ministère des Français de l’étranger. Ça fait 20 ans que ce ministère fait des économies car il est facile pour Bercy de récupérer des crédits sur ces lignes budgétaires. Les Français de l’étranger ne vont pas se rebeller comme pourraient le faire d’autres personnes si le budget du ministère de la Santé était par exemple réduit.

 

Cela fait très longtemps que l’on dit que ce ministère est à l’os. Et pourtant on continue encore à fermer des postes. J’ai été responsable de ce réseau diplomatique, je sais ce qu’il peut faire et je sais qu’aujourd’hui il est en souffrance. Je vois des gens qui vont bien au-delà de la mission qui leur a été donnée pour simplement essayer de répondre aux sollicitations, qui restent tard le soir pour pallier le manque d’effectif. Tous les outils, notamment dans le cadre de la dématérialisation ne doivent pas être mis en place en remplacement de l’humain. Ce ministère est un ministère de service public et donc de l’humain. Arrêter de prendre ce ministère en otage budgétaire, ce serait mon sujet principal dans le cadre de l’élection présidentielle.

 


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