Article écrit par Raphaël Ferry et publié le 14 juin 2022 sur le petit journal
Ils sont douze sénateurs à représenter les Français établis hors de France. Parmi eux, Mme Hélène Conway-Mouret. Élue depuis 2011, elle fut ministre déléguée aux affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger de 2012 à 2014 sous François Hollande. Elle était en mission parlementaire au Cambodge du 8 au 10 juin. Le petit journal en a profité pour lui poser quelques questions sur les raisons de sa visite et sa perception du Cambodge.
Mme Hélène Conway-Mouret, quels sont les buts de ces missions parlementaires ?
En tant que parlementaires nous avons un rôle de législateur d’une part, de contrôle du gouvernement et de l’application des lois d’autre part. Ce contrôle se manifeste par la possibilité de poser des questions écrites ou orales au gouvernement, de le questionner par courriers adressés aux ministres, d’auditionner l’administration ou des ministres sur les sujets qui nous intéressent.
C’est en réaction aux visites sur le terrain et aux problématiques rencontrées telles qu’elles sont vécues par mes interlocuteurs que je peux au mieux interpeller l’administration ou les ministères pour qu’ils prennent des décisions nécessaires afin d’apporter des réponses aux problèmes présentés. C’est aussi sur cette base que j’interviens dans le débat budgétaire et travaille à la préparation d’amendements qui vont dans le sens, par exemple, d’abonder les budgets là où il y a des manques puisque je les ai constatés.
Une mission parlementaire, c’est venir au contact, s’informer, observer et puis agir dans la foulée par le biais d’interventions. C’est aussi rencontrer nos interlocuteurs privilégiés que sont les conseillers des Français de l’étranger, nos élus locaux. Ce sont les lanceurs d’alerte mais également celles et ceux qui accompagnent nos compatriotes au quotidien. Ces contacts sont essentiels pour moi. En tout cas ils le sont pour exercer mon mandat parlementaire.
Pourquoi être venue au Cambodge cette année ?
En 2022 le Cambodge assure la présidence de l’ASEAN et pour la première fois se tient un forum économique ici, à Phnom Penh.
Le thème de cette mission est donc centré sur notre action économique, mais aussi sur notre présence dans tous les autres domaines qui renforce la place réservée à nos entreprises.
J’en ai fait le constat après être passée au lycée Descartes et à l’Institut Français. J’ai pu constater combien leur activité renforce la place de la France au Cambodge, comme par exemple, le grand nombre de ministres cambodgiens parlant parfaitement français parce qu’ils sont allés au lycée Descartes qui leur a fourni les bases d’une éducation qu’ils ont souvent complété par des études supérieures en France.
Cela facilite la communication et le contact avec les entrepreneurs français avec lesquels certains entretiennent une relation privilégiée de par leur propre formation.
Peut-on alors parler de politique d’influence ?
Je ne parlerai pas de politique de l’influence, je trouve cela un peu désuet. Il faut parler de partenariat.
Même dans l’action de l’Agence Française de Développement, il faut je crois, utiliser une nouvelle sémantique qui est appropriée au type de relation que nous avons avec les autres pays. Je le vois aujourd’hui avec tous mes interlocuteurs incroyablement bien formés auxquels nous n’avons absolument rien à apprendre.
Ils sont amenés à prendre leurs décisions et c’est à nous donc d’être au rendez-vous pour être sélectionnés.
Dans un monde aujourd’hui multipolaire, la France peut jouer un rôle, mais il faut qu’elle soit au rendez-vous. Les pays ont aujourd’hui le choix. Il faut être en capacité de répondre à leurs demandes et à leurs appels d’offres.
Nous nous inscrivons pleinement dans une démarche d’accompagnement, de partenariat avec le Cambodge avec des objectifs très clairs d’échanges, de partage de savoir-faire.
Je prendrai comme exemple la magnifique exposition sur le parfum organisée par l’Institut Français. Si bien sûr, des Français l’organisent et y participent, ce sont essentiellement les Cambodgiens qui vont la faire vivre.
Lors de ma visite au SIPAR; cette ONG qui célèbre cette année ses 40 ans, j’ai également pu constater que la majeure partie de l’équipe est cambodgienne. C’est un bel exemple de partage des compétences et des savoirs.
Vous êtes déjà venue au Cambodge en 2018, Quelles impressions vous laissent ce pays?
En 2018, j’ai découvert Siem Reap, aujourd’hui Phnom Penh. Ce que j’observe, c’est la vitalité économique du Cambodge qui affiche un rebond après la crise que nous avons tous subi et le retour rapide à ses 7 % de croissance par an.
Il nous faut saisir l’opportunité d’y être présents physiquement, d’y investir. Je suis ici pour soutenir l’action de tous ceux qui agissent dans tous les domaines d’activité. Je prends note de ce qu’ils font et je vais travailler à mon retour à Paris pour leur donner les moyens et répondre aux demandes qui sont faites.
Je suis heureuse d’être revenue au Cambodge parce que c’est un pays que nous ne connaissons pas suffisamment en France. Je crois qu’il souffre d’un déficit de notoriété. Nous avons gardé une image peut-être un peu désuète, romantique d’un pays avec lequel nous avons, de par notre histoire commune, des liens privilégiés. Il a également connu une période sombre. Mais si nous ne sommes pas attentifs, ce pays qui évolue très vite, peut s’éloigner de nous et rapidement faire d’autres choix.
Au forum des Affaires France Cambodge, j’ai rencontré beaucoup de décideurs cambodgiens qui souhaitent que plus de Français viennent s’installer et investissent dans leur pays. Je leur ai répondu qu’il leur revenait à eux aussi de promouvoir le Cambodge en France, de présenter leurs besoins et leurs attentes, leurs lois très favorables aux investissements étrangers et de démontrer le dynamisme cambodgien avec à l’appui leur taux de croissance.
Le Cambodge est un pays extrêmement attachant. J’y ai rencontré des Français qui y sont arrivés sans avoir l’intention de rester et qui 20 ans après y sont encore. Ce pays mérite d’être plus connu. En tout cas je sais que j’y reviendrai volontiers à la première occasion.