Pendant 10 jours et plus de 100 heures de débats, nous avons débattu au Sénat de la réforme des retraites. A cette occasion, avec mes collègues socialistes, écologistes et communistes de la Chambre haute, j’ai porté la voix des Français, et notamment ceux de l’étranger, ainsi que celle des femmes, qui sont les grands perdants de cette réforme injuste, injustifiée et brutale.
Malheureusement, le véhicule législatif choisi par le gouvernement pour présenter ce texte (un PLFRSS qui induit l’usage de l’article 47.1 de la Constitution pour limiter la durée des débats), le recours abusif de la droite sénatoriale au règlement intérieur du Sénat (article 38) et l’activation de l’article 44.3 de la Constitution par Olivier Dussopt pour procéder à un vote unique sur l’ensemble du texte ont contraint à restreindre considérablement les temps de paroles des oppositions et privé celles-ci d’amender et de légiférer librement.
Alors que j’avais préparé une liasse d’une vingtaine d’amendements afin de défendre la situation de nos compatriotes à l’étranger, je n’ai pu en déposer que deux, évidemment rejetés par la majorité.
Vous trouverez ci-dessous l’ensemble de mes interventions en hémicycle durant lesquelles j’ai rappelé à de nombreuses reprises combien cette réforme était injuste et à quel point la méthode avec laquelle ce texte a été présenté est dangereuse pour la démocratie et la cohésion sociale de notre pays.
UNE RÉFORME INCROYABLEMENT INJUSTE POUR LES FEMMES |
J’ai pris la parole le 8 mars, journée des droits des femmes, pour rappeler au gouvernement que cette réforme se faisait au détriment des femmes qui, pour de multiples raisons, connaissent des carrières hachées et subiront de facto les dispositions de ce texte puisque beaucoup d’entre elles ne pourront pas compter sur une retraite à taux plein, même en atteignant l’âge pivot de 64 ans.
Quelle déception lorsque, quelques heures plus tard, la droite sénatoriale et son président Bruno Retailleau ont dégainé l’article 38 du règlement intérieur pour mettre fin au débat et faire taire l’opposition alors que nous discutions d’un amendement qui porte sur les femmes et les droits familiaux. Un 8 mars…
UN GOUVERNEMENT ET UNE DROITE SÉNATORIALE SOURDS ET HORS-SOL |
Tout au long des débats, la gauche dans son ensemble a proposé des nouvelles recettes, des avancées sociales. A chaque fois, nous nous sommes confrontés à la surdité d’un gouvernement et d’une droite hors-sol, incapables de sortir de leurs calculs budgétaires et leurs logiques comptables. C’est navrant…
UNE RÉFORME QUI INTERROGE SUR LA VOLONTÉ CACHÉE DU GOUVERNEMENT DE POUSSER LES FRANCAIS À COTISER À DES ASSURANCES ET DES FONDS DE RETRAITES PRIVÉS |
Repousser l’âge de départ à la retraite n’est-il finalement pas une façon de pousser les Français à cotiser à des assurances et des fonds de retraite privés ? Sinon comment expliquer un tel attachement de la part du gouvernement à ce report de deux ans, qui n’a comme seul argumentaire le creusement des déficits à l’horizon 2070 ? Je m’interroge…
UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LES CONSÉQUENCES DU RELÈVEMENT DE L’ÂGE DE DEPART À LA RETRAITE À 64 ANS POUR LES FRANÇAIS ÉTABLIS À L’ÉTRANGER |
Les Français de l’étranger sont les plus affectés par cette réforme du fait de carrières souvent hachées, en particulier les femmes, qui sont nombreuses à renoncer à exercer une activité professionnelle afin de suivre leur conjoint en poste à l’étranger et mettre fin pour beaucoup à une carrière prometteuse.
Dès lors, j’ai demandé à ce qu’un rapport soit réalisé afin d’examiner les conséquences du relèvement de l’âge de départ à la retraite à 64 ans pour nos compatriotes établis hors de France. La droite et le gouvernement l’ont rejeté.
UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR LES CRITÈRES D’EXPOSITION AUX FACTEURS DE RISQUE |
Malgré l’usage du 44.3 de la Constitution, la gauche du Sénat s’est battue jusqu’au bout pour apporter des solutions, et notamment sur la pénibilité au travail.
J’ai demandé à un rapport pour évaluer les critères d’exposition aux facteurs de risque. Une nouvelle fois rejeté, sans surprise. Il y a pourtant tant à faire en matière de santé et de bien-être au travail. C’est aussi le sens de la proposition de loi que je porte visant à inscrire dans le code du travail un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses.
UNE RÉFORME QUI N’INCITE NI LA JEUNESSE, NI LES FEMMES, NI LES TRAVAILLEURS À TROUVER DU SENS À LEUR MÉTIER |
Le gouvernement avait la possibilité d’envoyer un signal très fort à la jeunesse, qui peine de plus à plus à trouver un emploi et à se sentir pleinement heureuse après deux années de crise sanitaire, ainsi qu’aux femmes et à ceux qui ont envie de s’investir dans leur travail : trouver du sens à leur métier et une motivation pour se dépasser quoditiennement.
Il a préféré passer en force, passer outre les revendications syndicales et populaires, faire fi des aspirations des Françaises et des Français à réinventer leur rapport au travail.
UNE RÉFORME PASSÉE EN FORCE AU MEPRIS DU TRAVAIL PARLEMENTAIRE, DES OPPOSITIONS DE GAUCHE ET DES MILLIONS DE FRANÇAIS QUI ONT MANIFESTÉ LEUR MÉCONTENTEMENT, QUI LAISSERA DES TRACES |
Après 10 jours de débats, les multiples passages en force du gouvernement et de la majorité LR au Sénat et le mépris à l’égard du Parlement, des corps intermédiaires et des millions de Français opposés à cette réforme, je crois que quelque chose a été cassé dans la Chambre haute, si souvent propice au consensus et au dialogue. Cela laissera des traces pour longtemps… Car ce n’est pas le style de la maison de ne pas écouter et de ne pas rechercher à améliorer les textes pour être au plus proche de la réalité du terrain.
INTERVIEW SUR PUBLIC SÉNAT POUR REVENIR SUR CES 10 JOURS DE DÉBATS |
In fine, nous avons continué à batailler dans l’hémicycle pour dire au gouvernement qu’avec cette réforme, il fait éclater la cohésion sociale et le peu de confiance que les Français peuvent encore avoir envers leurs représentants et qu’il commet une erreur politique majeure.
C’est un sentiment profond de frustration en tant que parlementaire d’avoir été réduite au silence et privée de débattre et d’amender sur les problématiques de celles et ceux que je représente. C’est aussi un sentiment de colère quand nous constatons l’entêtement du gouvernement de vouloir coûte que coûte adopter cette réforme sans concertation, sans dialogue social. Enfin, c’est indécent d’entendre la Première ministre Elisabeth Borne et le ministre du Travail Olivier Dussopt dire rester ouverts au débat après avoir dégainé l’article 44.3 pour bâillonner l’opposition et forcer le Sénat à voter un texte unique.
Pendant ce temps, l’extrême-droite se délecte en silence. Cela se paiera cher dans les urnes et le gouvernement ne pourra s’en prendre qu’à lui-même.