Compte-rendu de la restitution des consultations sur l’enseignement français à l’étranger

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La restitution des « consultations sur l’enseignement français à l’étranger » auxquelles j’ai participé, ainsi que la réunion du « conseil d’orientation interministériel de l’enseignement français à l’étranger » se sont tenues lundi 3 juillet au Quai d’Orsay.

Le directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), M. Aurélien Lechevallier, a ouvert cette matinée d’échanges et s’est félicité du succès rencontré par les consultations sur l’enseignement français à l’étranger (EFE). Le questionnaire, qui a précédé la constitution des groupes de travail, a recueilli 18 000 réponses entre le 27 mars et le 16 avril, ce qui démontre l’intérêt des différents acteurs de l’enseignement pour l’avenir de ce réseau.

La sous-directrice de la langue française et de l’éducation du MEAE, Mme Marie Buscail, a présenté les résultats de ce questionnaire, dont 60% des répondants sont des parents d’élèves. Celui-ci révèle un taux de satisfaction élevé des familles comme des élèves concernant d’offre linguistique et des attentes fortes en matière d’orientation et d’accompagnement vers l’enseignement supérieur.

Sur cette base, les chefs de file ont présenté tour à tour les conclusions de leur groupe de travail respectif.

Groupe 1 – Les piliers de notre offre pédagogique, homologation et formation
Cheffe de file : Mme Caroline Pascal, cheffe de l’inspection générale de l’éduction, du sport et de la recherche

Le principe de l’homologation, qui représente une garantie de qualité de l’État par le biais de ses deux ministères, a été unanimement plébiscité. L’hypothèse d’introduction de paliers vers l’homologation a été écartée. En revanche, l’insertion de deux points parmi les critères a été discutée : le bien-être des élèves et la politique des ressources humaines relative à la formation. Il est ressorti que le processus d’homologation lui-même n’est pas assez connu au sein de la communauté éducative.

En matière de formation, les formations proposées par l’AEFE sont riches et diverses mais pourraient toutefois être plus complètes dans le domaine de l’inclusion des élèves et renforcées pour les gestionnaires d’établissements. Il a été noté que le rôle des nouveaux instituts régionaux de formation devait être précisé, notamment leur vocation certifiante qui suscite une demande importante de la part des personnels. La formation continue dont ils bénéficient gagnerait également à être mieux valorisée auprès des familles.

Groupe 2 – Les moyens de l’accompagnement du réseau
Chef de file : M. Cyrille Pierre, conseiller maître à la Cour des comptes

Il a d’emblée été souligné que l’immobilier est un « angle mort de la politique de développement du réseau » (atelier n°1). Il s’agit pourtant d’un enjeu structurant, au regard de la concurrence mondiale en matière d’infrastructures. Les outils dont dispose aujourd’hui l’AEFE ne semblent pas adaptés et la hausse des frais de scolarité pour financer les projets immobiliers des établissements met en cause la solidarité intergénérationnelle. Il a été proposé d’allouer une part de la subvention pour charge de service public de l’AEFE, de mettre en place un mécanisme de mutualisation au sein des établissements en gestion directe (EGD) ou bien de faire évoluer les possibilités d’emprunt de l’Agence.

Concernant le partage de la charge financière (atelier n°2), il y a aujourd’hui un effet de ciseau avec une augmentation des charges financières des établissements et une baisse de pouvoir d’achat des familles dans un contexte inflationniste. La demande principale porte sur une meilleure communication des prélèvements destinés à l’AEFE et une plus grande lisibilité sur les priorités définies.

Concernant l’accompagnement des personnels (atelier n°3), il a été constaté que les personnels détachés sont des « ressources rares » et de moins en moins nombreuses (ils sont aujourd’hui 7 560, contre 8 000 avant la pandémie), compte-tenu des difficultés de recrutement et de fidélisation des enseignants, d’un vivier très limité au sein des académies de départ et d’une concentration au sein de certains établissements d’accueil. Il a été proposé d’améliorer la lisibilité de la cartographie des ressources humaines de l’AEFE et la circulation des personnels détachés.

Concernant l’accompagnement des familles, l’ouverture sociale et l’inclusion (atelier n°4), il a été rappelé que le nombre d’élèves boursiers (21%) est significatif mais que le niveau des bourses reste sensiblement le même depuis plusieurs années. Le mécanisme d’attribution des bourses demeure complexes et d’importants restes à charge subsistent dans certaines régions. Par ailleurs, les mécanismes de solidarité envers les élèves étrangers du réseau – qui représentent 2/3 des élèves – ne sont pas suffisants et ceux qui existent devraient être mieux recensés.

M. Christophe Bouchard, ancien directeur de l’AEFE et ancien ambassadeur de France à Madagascar, a dressé un bilan majoritairement positif sur l’état du réseau, qui repose sur sa diversité unique au monde, sur la qualité et la réputation de ses diplômes pour l’accès à l’enseignement supérieur et sur la légitimité de son opérateur. Les points de vigilance sont les suivants :

  • L’équilibre du système, dans le cadre de l’objectif du doublement, doit être préservé. Les membres des groupes de travail ont exprimé des visions différentes sur les modalités de croissance du réseau et ses conséquences. Des craintes, selon lesquelles une croissance fondée quasi-exclusivement sur des établissements privés ne mette en péril l’équilibre, ont été exprimées.
  • Les relations entre les établissements privés et l’Agence peuvent être sources de préoccupations (contenu des contrats ; coût de l’appartenance au réseau ; retour sur investissement que les établissements attendent…).
  • L’orientation des élèves est un motif d’insatisfaction au sein du réseau et doit être renforcée.
  • Enfin, il est ressorti que les atouts dont dispose le réseau sont insuffisamment mis en valeur dans la compétition internationale.

Dans un second temps, le directeur de l’AEFE Olivier Brochet a présenté la nouvelle feuille de route de l’Agence pour les années 2023-2026.

Avec 400 000 élèves à la rentrée prochaine, la France dispose du premier réseau mondial soutenu par un État. Son modèle est concurrencé par la montée en puissance des écoles internationales dans le monde, par l’émergence de grands groupes éducatifs et par le durcissement du « marketing de l’enseignement » à l’échelle internationale. L’Agence ne dispose pas de la « puissance de frappe » de ces acteurs mais d’atouts de taille pour attirer de nouvelles familles et investisseurs. L’objectif de doublement des élèves à l’horizon 2030, fixé par le Président de la République, a été décrit comme un formidable levier pour étudier les forces et les faiblesses du réseau et pour enclencher des transformations. Il a précisé que 60% de la croissance s’est fondée sur les établissements existants (qui possèdent le « plus gros potentiel de croissance ») et 40% sur la transformation ou l’intégration de nouveaux établissements.

La feuille de route comprend 4 axes de développement :

  • 1er axe : Garantir la qualité et la promouvoir auprès des familles.

Il s’agit de valoriser l’homologation, qui est le socle de cette qualité, et de réfléchir à d’autres labels de qualité. Il s’agit aussi d’engager les établissements dans des démarches d’auto-évaluation et de mieux mesurer la satisfaction des familles, des élèves et des personnels

  • 2ème axe : Développer un vivier de professionnels formés.

Dans le cadre du plan « Cap 2030 », 20 000 enseignants devront être formés.

L’Agence a déjà pris plusieurs mesures, avec la création des 16 IRF, la création de la plateforme « Atena », l’investissement de 47,5 millions d’euros par an dans la formation et la mise en place de plus de 1 400 formations.

Une réflexion est en cours sur le lancement  d’une plateforme de ressources humaines pour le recrutement, au bénéfice de l’ensemble du réseau afin de faciliter les procédures.

  • 3ème axe : Renforcer l’attractivité de l’offre éducative.

Pour ce faire, l’Agence entend développer l’identité « lycée français international » qui incarne les valeurs de l’enseignement français (laïcité, excellence, innovation). Elle souhaite valoriser son offre éducative aux standards internationaux, en travaillant sur la reconnaissance des diplômes en lien avec les SCAC des ambassades.

  • 4ème axe : Mobiliser les acteurs avec des objectifs partagés.

L’Agence a identifié 11 « pays prioritaires » qui ont un fort potentiel de développement : l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Inde, le Brésil, le Mexique, les États-Unis, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Nigéria et la République démocratique du Congo.

15 groupes de pilotage seront mis en place à la rentrée au sein de l’AEFE.

Dans son intervention, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, a évoqué le défi de la croissance du réseau.

Sur l’homologation (voir l’arrêté du 15 juin 2023 fixant la liste des écoles et des établissements d’enseignement français à l’étranger homologués), le ministère travaille à une plateforme de l’homologation, afin de suivre les principaux indicateurs des établissements.

Pour défendre notre « marque » dans un système concurrentiel, le ministère proposera des kits de communication.

Sur les ressources humaines, le ministère détache près de 8 000 personnels, dont 95% d’enseignants, ce qui n’a pas d’équivalent dans le monde. Il entend « poursuivre ce mouvement », dynamiser les détachements des personnels d’encadrement et assurer de meilleures conditions de départ et de retour pour que l’expérience à l’étranger soit mieux reconnue. En effet, les compétences acquises lors d’une expérience à l’étranger doivent être identifiées et mobilisées au mieux lors du retour en France.

Sur l’enseignement, le baccalauréat français international représente un atout de plus en plus reconnu par nos partenaires (comme les États-Unis, le Japon, l’Espagne ou l’Allemagne). Deux autres pays devraient suivre prochainement.

Enfin, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a présenté les priorités de son ministère en matière d’enseignement français à l’étranger.

En matière de ressources humaines, le MEAE et les MEN renforceront la coordination du système de détachement. En matière d’attractivité, la ministre souhaite valoriser le baccalauréat français, classique et international et a demandé aux services consulaires de porter une plus grande attention aux demandes de visas des élèves étrangers.

La capacité de financement de l’AEFE demeure un « problème juridique, examiné dans tous les sens ». Faute de solution de fond, la ministre a annoncé que le dispositif temporaire de recours aux avances de l’Agence France Trésor – qui devait prendre fin cette année – sera prolongé jusqu’à 2026 ce qui permettra aux établissements de financer leurs projets immobiliers. Par ailleurs, la ministre s’est engagée à rendre le fonctionnement de la commission chargée d’émettre des avis sur l’octroi de la garantie de l’État aux établissements d’enseignement français à l’étranger (dite COGAREFE) plus efficient, notamment en réduisant les délais.

Enfin, en matière de bien-être des élèves et d’aide à la scolarité, la ministre souhaite lancer une expérimentation sur l’aide qui pourrait être apportée aux élèves méritants dans les systèmes éducatifs locaux, augmenter le nombre de bénéficiaires de la « bourse excellence Major » et renforcer l’accompagnement des élèves vers l’enseignement supérieur. Elle a regretté que des élèves bien formés dans nos lycées passent ensuite dans l’enseignement supérieur étranger (Australie, États-Unis, pays européens nordiques).

Pour retrouver le rapport détaillé de ces consultations, cliquez ici.


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