Hommage à Louis Mermaz, Louis Mexandeau et Roland Dumas

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Sale été à Solfé

Repensant à Guy Penne décédé voici presque quinze ans un jour d’été déjà (25 juillet 2010), j’ai constaté avec tristesse que ces derniers mois avaient vu plusieurs hommes que j’estimais, dont celui que je considère mon « parrain » en politique, rejoindre le Panthéon des militants de Solfé et plus certainement celui de la rue de Bièvre.

Un fauteuil – Louis Mermaz en premier lieu auquel je n’ai certes pas succédée comme sénatrice de l’Isère mais avec lequel j’ai longtemps poursuivi de la rive droite à la rive gauche du Rhône, de Saint Romain en Gal à Vienne, un dialogue et une amitié qui m’ont toujours touchée. Me dédicaçant ses mémoires en novembre dernier, nous revenions alors sur les motifs qui l’avaient conduit à s’implanter dans l’Isère lors des législatives de 1967 et l’action municipales qu’il y mena pendant trente ans. C’est cet attachement encore exprimé en juin dernier grâce à la librairie Pédone alors qu’il y présentait les actes d’un colloque qui lui avait été consacré, qui m’a fait aimer cet homme d’une grande intelligence, cultivé, avec un humour très vif et irrésistible. C’est cet attachement qui me fit symboliquement vouloir occuper son siège en jour de septembre 2011 alors qu’il quittait le Sénat dans le temps même où j’y entrais. Un fauteuil pour une mémoire.

Une lettre – Louis Mexandeau ensuite avec lequel Louis Mermaz avait en son temps préparé l’agrégation s’en faisant un ami comme ce temps d’enfermement, de confiance et d’échange qu’est la préparation d’un tel concours peut en faire naitre. Je me souviens d’un homme impressionnant, souvent ceint d’une écharpe rouge à la Mitterrand qu’il révérait, et qui était capable de rappeler à la tribune d’un congrès les apports du socialisme à la République de 1936 à nos jours. Louis s’inscrivait dans l’Histoire avec rigueur, avec intégrité, avec une violence parfois aussi que seule la sincérité de ses convictions (je pense notamment à son rapport sur la nationalisation de l’enseignement privé de 1977 alors qu’il était délégué national du parti à l’éducation nationale) excusait.

Il est dit que Georges Mandel, alors ministre des PTT, s’amusait à jouer le « client mystère » dans les premiers bureaux de poste de son administration afin de s’assurer de leur bon fonctionnement. J’ai souvent pensé que Louis Mexandeau, par sa stature, par son verbe et par la longévité de son mandat de ministre des PTT n’aurait quant à lui jamais pu déposer une lettre sans être reconnu par les agents de cette belle administration. L’aurait-il regretté ?

Une pelisse – Roland Dumas enfin. D’aucuns célébrerons l’homme du courbe contre l’homme du droit (qu’aurait été Robert Badinter) et se moqueront de la roublardise et de la désinvolture du résistant de jeunesse. C’est bien pourtant dans celle-ci je crois, et dans la mort d’un père mort trop tôt fusillé par l’ennemi, qu’il faut trouver une part de vérité. Celle qui conduira cet homme, travailleur infatigable, grand avocat s’il en fut, brillant, n’ayant de cesse de convaincre et de débattre à se lancer si naturellement en politique pour poursuivre un engagement que son père n’avait pu achever. Attaché à la gauche et intimement à François Mitterrand qui en fera un ministre des affaires étrangères parmi les plus talentueux que la gauche ait connu, il incarnera la politique arabe de la France et plus encore – y compris alors que le Président de la République n’y croyais pas encore – une proximité avec l’Allemagne que seule son amitié avec Hans-Dietrich Genscher permettait. Je sais ce qu’on lui reprochera aisément, « les affaires » et des amitiés contestables. Mais n’est-ce pas la gradeur d’une vie qui a été balzacienne dans ses ressorts les plus intimes que d’assumer sa complexité et même ses contradictions ? Ajouterais-je que la dernière fois que j’ai pu le croiser, il portait une pelisse, appuyé à sa canne. Cet homme avait aussi infiniment d’allure, comme Chanel pouvait le désirer.


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