La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a auditionné Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), en perspective de l’examen du projet de loi de finances 2025.
Il y a un décalage flagrant entre les ambitions d’hier et les moyens d’aujourd’hui. Après le « réarmement », vient le « désarmement ». J’ai interpellé le ministre sur deux points :
D’une part, les crédits visant à soutenir nos compatriotes les plus vulnérables sont en baisse (aides à la scolarité, aides sociales, OLES…) ainsi que ceux pour soutenir le développement de la francophonie (Campus France, Institut français)
D’autre part, les négociations entre la France et la Thaïlande sur le risque de double imposition des Français établis en Thaïlande semblent au point mort
Voici les principales annonces du ministre concernant le budget 2025 du ministère de l’Europe et des affaires étrangères :
L’année dernière, la précédente ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, se félicitait de la décision « historique » du Président de la République qui avait promis de « réarmer » notre diplomatie et d’augmenter significativement les moyens du MEAE entre 2024 et 2027 avec la création de 700 emplois et la hausse du budget de plus de 20% pour atteindre 7,9 milliards d’euros en 2027.
Mais cette ambition est aujourd’hui contredite par la réalité. En 2024, le MEAE a déjà fait l’objet de gels et d’annulations de crédits en février et juillet pour un total 880 millions d’euros, soit 12,5% total du budget du ministère. En 2025, il continuera à payer un lourd tribut à l’effort de redressement des finances publiques.
- Le MEAE ne bénéficiera que 75 ETP supplémentaires, soit la moitié des 150 promis par le Président de la République. 2/3 des emplois seront affectés au réseau diplomatique et consulaire.
Le compte n’y est donc pas. Le ministre a souligné que les moyens humains dont dispose le ministère pour assurer le fonctionnement de plus de 170 postes dans le monde sont équivalents à ceux dont dispose la métropole de Toulouse et que 25 postes ont moins de 6 ETP.
Concernant le programme relatif aux Français de l’étranger et aux affaires consulaires (programme 151) :
- Les crédits du programme sont en baisse de 5%.
- Les crédits alloués à la modernisation des services consulaires sont priorisés et préservés : poursuite du déploiement du service « France consulaire », finalisation du registre d’état civil électronique qui permettra la production dématérialisée d’actes d’état civil, travaux sur une nouvelle solution de vote par Internet plus performante et plus sûre.
Les crédits liés à « l’humain », au cœur de ce ministère, sont eux sacrifiés. La modernisation du ministère est certes nécessaire pour rendre nos services plus accessibles et plus efficaces. Mais elle ne doit pas se faire au détriment de nos compatriotes les plus modestes.
- Les crédits alloués aux aides à la scolarité passent de 118 à 111,5 millions d’euros, soit une baisse de 5,93%. Rappelons que le nombre d’élèves boursiers entre 2022-2023 et 2023-2024 est lui en baisse de 17%.
- Les crédits alloués aux aides sociales pour nos compatriotes les plus précaires passent de 16,2 à 15,2 millions d’euros, soit une baisse de 6%.
- Le budget des organismes locaux d’entraide et de scolarité (OLES) passe de 1,4 à 1,2 million d’euros, soit une baisse de 14%.
- Le budget des centres médico-sociaux passe de 250 000 à 220 000 euros, soit une baisse de 12%.
- La contribution à la Caisse des Français de l’étranger au titre de la catégorie aidée reste stable, avec 380 000 euros.
Concernant le programme relatif à l’action de la France dans l’Europe et dans le monde (programme 105) :
- Les crédits consacrés aux contributions internationales de la France et aux opérations de maintien de la paix sont en baisse de 110 millions d’euros, du fait de l’arrêt de certaines opérations, de la réduction de la Facilité européenne de paix et de la réduction de notre quote-part aux Nations-Unies.
- Les crédits alloués à la direction du numérique (pour accompagner la transformation des métiers de la diplomatie), à la sécurité de nos emprises diplomatiques et consulaires et à la mise en place de l’Académie diplomatique et consulaire sont priorisés et préservés.
Concernant le programme relatif à la diplomatie culturelle et d’influence (programme 185)
- Les crédits du programme sont en baisse de 6,3%, soit un retour au niveau de 2023.
- Les crédits alloués à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) sont en baisse de 14 millions d’euros. Le ministre estime que la baisse peut être absorbée par l’AEFE compte tenu du coût – inférieur à la prévision initiale – de la réforme du statut des personnels détachés.
- Les crédits alloués aux opérateurs (Campus France, Institut français) sont eux aussi en baisse, ce qui pose la question de notre ambition pour la francophonie, alors même que la France vient d’accueillir le XIXe Sommet de la Francophonie, une première depuis 33 ans.
- La subvention pour charge de service public de Campus France passe de 3,4 à 3,3 millions d’euros, soit une baisse de 2,5%.
- De même, la subvention pour charge de service public de l’Institut français passe de 28,2 à 26,5 millions d’euros soit une baisse de 6%.
- Avec ces moyens réduits, les priorités fixées sont l’Europe, l’Afrique et la région Indopacifique.
En résumé, dans le contexte actuel de crises politiques et sécuritaires que connaissent plusieurs régions du monde, il sera une nouvelle fois demandé au MEAE et à ses agents de faire plus, avec moins de moyens.
Retrouvez mes questions et les réponses du ministre dans la vidéo ci-dessous :